Construire en innovant : seuils et pérennités, du passé au présent
Journée d’étude

, par Jean-Michel Colas

Journée scientifique de l’EUR ArChal DÉFI 4 - « technologie et innovation »
Mardi 15 juin 2021. Visioconférence par zoom.


Inscription préalable indispensable via le lien : https://bit.ly/2SIHXTU
Vous recevrez un e-mail de confirmation contenant les instructions pour rejoindre la réunion.

Programme

Modératrice : Anne Nissen, professeur, Univ. Paris 1

13h45 – 14h00 accueil des participants et des auditeurs
14h00 – 14h15
Présentation d’ArChal et de la journée scientifique
Haris Procopiou (prof. UP1, resp. EUR) et Younes Rezkallah (resp. adm EUR)
14h15 - 15h00
The transition from earthfast to not earthfast building, an « architectural turn » a protracted transition over almost 5000 years
Des constructions sur poteaux plantés aux constructions sur sablière basse ou solin : un « tournant technique et architectural » et une transition lente sur près de 5000 ans.
Haio Zimmermann (Bockhorn)
15h00 - 15h45
Le rôle de l’innovation technique dans le développement des architectures de terre crue
The role of technical innovation in the development of earthen architecture.
Claire Anne de Chazelles (Archéologie des sociétés méditerranéennes - UMR 5140)
15h45 - 16h00 PAUSE
16h00 – 16h45
Reconstruire face au risque sismique à l’époque romaine. Expériences et innovations à Pompéi Building and addressing natural risk in Roman times : experiences and innovations in Pompeii
Hélène Dessales (École normale supérieure – Univ. PSL, AOROC - UMR 8546)
16h45 – 17h15
Techniques constructives pour demain : un pas… dans le passé ?
Building techniques for tomorrow : a step forward… in the past ?
Eric Vincens (Professeur des Universités, École centrale de Lyon)
17h15 – 17h45
clôture et discussion générale

1. The transition from earthfast to not earthfast building, an « architectural turn » a protracted transition over almost 5000 years.
Des constructions sur poteaux plantés aux constructions sur sablière basse ou solin : un « tournant technique et architectural » et une transition lente sur près de 5000 ans.
Haio Zimmermann, Bockhorn
(https://www.nihk.de ; https://nihk.academia.edu/HaioZimmermann)

Résumé :
L’intervention porte sur le passage entre les constructions sur poteaux plantés, et la construction, nettement plus difficile à identifier sur solin ou dés de pierre. La difficulté d’appréhender les modes de construction incite à comparer les occurrences dans une vaste zone au nord des Alpes. Outre les vestiges archéologiques, les sources iconographiques et écrites telles que les premiers règlements de construction sont analysées. L’utilisation du solin est attestée dès l’époque néolithique, à environ 3000 ans avant notre ère. Par rapport aux constructions sur poteaux plantés, ces exemples sont toutefois exceptionnels. Ce n’est que durant les XIe-XIVe siècles de notre ère que l’utilisation des solins va se répandre plus largement dans de larges parties de l’Europe. En parallèle, des constructions sur poteaux plantés étaient encore érigées jusqu’à une période récente. Des évolutions similaires sont aussi observées pour le Blockbau (rondins horizontaux entrecroisés dans les angles). Des motivations pratiques ou des croyances, qui pourraient expliquer la lenteur de l’adaptation des constructions sans poteaux plantés, sont discutées ainsi que les conséquences de ce choix. L’abandon des poteaux plantés a augmenté la durée des bâtiments, qui ont pu avoir été érigés à partir des modules préfabriqués, et a également permis de rendre le bâti mobile.

Abstract :
In our paper we treat the transition from the for archaeologists friendly earthfast (post in the ground - poteau plante) construction method to the fore our research unkind method of not earthfast posts on sill or padstone (poteaux non plantes, potelet, toumisse, montant).
As posts on sill or padstone are but difficult to trace, comparisons are collected in a large area north of the Alps. Apart from archaeological features pictorial as well as written sources like early building regulations were studied. Not earthfast constructions reach far back in prehistory to about 3000 BC. In contrast to earthfast buildings, however, such constructions remained obviously rare. A main transition phase to not earthfast can be ascertained for wide parts of Europe, from about the 11th to 14th cent. AD. But until recently earthfast constructions were still erected. A comparable transition is also true for the likewise not earthfast corner timbering. The possible reasons - both reasons for belief and practical solutions - why it took so long until not earthfast building became common practice are discussed as well as the consequences of the transition : the houses lasted much longer and they could be erected as prefabricated buildings and by that the immovable property became mobile.

2. Le rôle de l’innovation technique dans le développement des architectures de terre crue.
The role of technical innovation in the development of earthen architecture.
Claire-Anne de Chazelles Chargée de recherche honoraire, Cnrs
Archéologie des sociétés méditerranéennes UMR 5140, Montpellier (France)

Résumé :
La construction en terre crue met en oeuvre, depuis des millénaires, la matière la plus accessible sur la planète. L’aura de médiocrité qui entoure ce matériau – employé sans grande transformation et avec un outillage limité - conduit à considérer les architectures de terre avec une certaine condescendance, leur image se situant à mi-chemin entre archaïsme et traditionalisme.
Pourtant, des procédés techniques rompant avec la « tradition » ont émergé dans des contextes sociaux et culturels propices et parfois connu une large diffusion. Ils sont fondés sur deux principes : la production sérielle d’éléments de construction calibrés et le moulage. Ces inventions ont fortement influé sur la conception architecturale et favorisé des processus d’innovation technique, développés par des pouvoirs en place pour magnifier leur puissance ou celle d’une divinité, à travers d’amples projets comme l’édification de monuments ou des programmes de planification urbaine. Par ce biais, d’ailleurs la construction domestique ordinaire a pu également bénéficier de ces innovations. Quelques exemples issus d’époques et de lieux variés illustrent le propos.

Abstract :
For thousands of years, raw earth has been the most accessible material on the planet. The aura of mediocrity that surrounds this material - used without major transformation and with limited tools - leads to some condescension towards earthen architecture, an image between archaism and traditionalism.
However, technical processes breaking with « tradition » have emerged in favourable social and cultural contexts and have sometimes been widely disseminated. They are based on two principles : the serial production of calibrated construction elements and moulding. These inventions had a strong influence on architectural design and favoured processes of technical innovation, developed by the authorities to magnify their power or that of a deity, through large-scale projects such as the construction of monuments or urban planning programmes. In this way, ordinary domestic construction could benefit from these innovations. A few examples from various times and places illustrate the point.

3. Reconstruire face au risque sismique à l’époque romaine. Expériences et innovations à Pompéi.
Building and addressing natural risk in Roman times : experiences and innovations in Pompeii
Hélène Dessales Ecole normale supérieure – Université PSL AOROC UMR 8546

Résumé :
Ensevelie par le Vésuve en 79 ap. J.-C., la ville de Pompéi a été très fortement endommagée par un tremblement de terre, en 62 ou 63 ap. J.-C., suivi d’autres secousses qui se sont succédées avant l’éruption finale. Si les textes antiques n’offrent que de rares indications sur les solutions destinées à limiter les effets sismiques sur le bâti, Pompéi constitue un laboratoire archéologique unique afin d’explorer l’architecture du risque et de l’urgence dans la Campanie romaine, en observant de multiples réparations, confortements et reconstructions. Ces divers types d’interventions et les techniques utilisées pour les mettre en oeuvre (sélection des matériaux, appareils, chaînages d’angles et ceintures) témoignent d’expériences combinées et d’innovations, qui ont été développées par les bâtisseurs face à un risque sismique récurrent.

Abstract :
Buried by Vesuvius in 79 AD, the city of Pompeii was severely damaged by an earthquake in 62 or 63 AD, followed by other tremors that occurred before the final eruption. Ancient texts present very scarce indications on the devices implemented to limit the seismic effects on the built-up environment. However, from an archaeological point of view, Pompeii provides an exceptional opportunity to explore the architecture of risk and emergency in Roman Campania, by observing multiple repairs, reinforcements and reconstructions. These various types of interventions and their building techniques (selection of materials and methods of putting them in place, corner quoins and belt courses) illustrate combined experiences and innovations, which were developed by the builders in the face of a recurring seismic risk.

4. Techniques constructives pour demain : un pas… dans le passé ?
Building techniques for tomorrow : a step forward… in the past ?
Eric Vincens Professeur des Universités, Ecole centrale de Lyon

Résumé :
Alors que des siècles durant, pour des raisons de coûts, la construction usuelle procède essentiellement de l’usage de matériaux locaux, dans la deuxième moitié du XIX siècle ces pratiques historiques vont être progressivement bouleversées par la Révolution des Transports accompagnant l’Industrialisation de l’économie. Si l’avènement de nouveaux matériaux censés répondre à la question du construire plus grand, en plus grande quantité et plus vite peut aussi en expliquer la cause, la rupture dans la chaine des savoirs va en accélérer le processus.
Un siècle a passé où la construction en béton armé et construction métallique ont bénéficié de vastes travaux de recherche, de retours d’expérience étoffés et bien documentés ayant permis l’émergence d’un corpus national et européen permettant de limiter le risque pris par tous les protagonistes de l’Acte de Construire.
Un siècle a passé et alors que la Révolution de la Transition Ecologique réinterroge toutes les pratiques, les techniques constructives millénaires reviennent sur le devant de la scène. On dressera ici le bilan de l’état de ces filières alternatives – non conventionnelles – et les verrous qui devront être levés pour les sortir de la confidentialité. Le point de vue du passé peut-il alors donner certains éclairages pour reconstituer un savoir scientifique et technique lacunaire ou perdu ?

Abstract :
While for centuries, for cost reasons, usual building and houses proceeded mainly from the use of local materials for cost reasons, the Transportation Revolution accompanying the industrialization of the economy in the second half of the 19th century gradually changed practices. If the advent of new materials supposed to answer the question of building bigger, in greater quantity and faster can also explain this trend, the break in the chain of knowledge will complete the process.
A century has passed when structures with reinforced concrete and steel have benefited from extensive research, extensive and well-documented feedback that has enabled the emergence of a national and European corpus to limit the risk taken by all the protagonists of the Building Sector.
A century has passed and while the Revolution of the Ecological Transition re-examines all practices, the millennial construction techniques are coming back to the fore. We will take stock of the state of these alternative - unconventional - channels and the obstacles to overcome to bring them back in the panel of usual building techniques.