Monterenzio Vecchio (Italie, Emilie-Romagne)
Une nécropole celto-étrusque

, par Katherine Gruel

La fouille sous la direction de Daniel Vitali (Université de Bourgogne) et Thierry Lejars (AOROC-Cnrs) associe :

  • L’ Université de Bologne, département d’archéologie
  • L’ École française de Rome
  • L’ ENS, Paris et AOROC

Localisation

La nécropole celto-étrusque de Monterenzio Vecchio est un site de hauteur de l’Apennin bolonais, localisé à 30 km au sud de Bologne [photo localisation]. Perché à environ 600 m d’altitude, le site domine le versant oriental de la vallée de l’Idice et fait face au Monte delle Formiche qui se dresse entre les vallées définies par les cours de l’Idice et de la Zena. Côté oriental, il domine la vallée du Sillaro qui ouvre sur la Romagne. La proximité de la via Flaminia minor, une des principales voies de communication antiques reliant la région padane à l’Étrurie interne, conférait à cet établissement une importance stratégique de premier plan. Sa position dominante et sa localisation à mi-chemin entre la plaine du Pô au nord et les cols toscans au sud, en faisaient une place remarquable bien que non fortifiée. A quelques kilomètres au sud-ouest, dominant le versant occidental de l’Idice, le complexe archéologique contemporain de Monte Bibele, également connu pour son importante nécropole celto-étrusque, complétait un réseau de castella relativement dense.
 

Historique des découvertes

Les premiers indices d’une occupation celto-étrusque ont été identifiés vers 1880, mais il faut attendre 1988 pour que la nature funéraire du gisement soit clairement établie (intervention de sauvetage effectuée à la suite de labours profonds). Les fouilles menées depuis 2000 ont permis de mettre en évidence plusieurs phases d’occupation depuis l’âge du Bronze récent (XIIIe s. av. J.-C.) jusqu’à la dernière guerre (destruction de l’église paroissiale et abandon des dernières maisons), mais c’est assurément à la période couvrant les IVe - IIIe s. av. J.-C. que se rattachent les vestiges les plus nombreux et les plus importants, en particulier funéraires.
 

La nécropole

De cette nécropole, on ne connaît qu’une cinquantaine de tombes alors que le site de Monte Bibele en a restitué 160. L’érosion et les pratiques agricoles auront eu raison de cet ensemble implanté à flan de colline, détruisant les tombes les plus superficielles. Si les sépultures masculines dominent, il faut signaler le nombre relativement élevé d’individus décédés en bas âge (huit). Les hommes, à l’exception des plus âgés, se signalent comme à Monte Bibele par leur équipement militaire. Un des traits marquants des ensembles funéraires de la région réside dans la proportion élevée du nombre d’hommes armés (40 % contre 10 à 20 % dans les cimetières celtiques contemporains au nord des Alpes). Ces ensembles fournissent donc des repères extrêmement précieux pour la connaissance de l’armement laténien de cette période et des ancrages chronologiques du fait de leur association avec de nombreux objets de facture méditerranéenne (vases en bronze, céramiques étrusques à figure rouge et à vernis noir…). La composition des mobiliers confirme l’importance “ idéologique ” de l’épée gauloise dans les régions “ celtiques ” de confins (avec le fourreau, le ceinturon, le bouclier, etc.) tandis que l’usage de longs javelots (prototypes des pilums romains) et de casques (en bronze ou en fer) semblent surtout caractériser les combattants des Apennins (depuis les Marches jusqu’en Ligurie). L’influence culturelle étrusque est également forte comme en témoignent le vaisselier du cérémonial du banquet, les activités de la palestre pour les hommes ou le travail de la laine chez les femmes, et enfin une épigraphie totalement étrusque [photo céramiques tombe 16].
 
La communauté enterrée dans ce cimetière ne représente très certainement qu’une petite partie de la population. On y reconnaîtra volontiers une frange de cette élite qui contrôle depuis leurs castella les principales vallées et voies de communication comme l’attestent les auteurs anciens. La prépondérance des hommes armés et l’usage généralisé de l’épée laténienne semblent être un caractère spécifique des nécropoles des Apennins au IVe et IIIe s. av. J.-C. Une situation analogue singularise la nécropole de Monte Bibele et celle de Montefortino dans les Marches (dans le secteur attribué aux Sénons). Les produits de luxe importés de l’Italie centre-tyrrhénienne ou des régions de l’Adriatique, l’idéologie du banquet, les pratiques athlétiques de type grec, montrent que les Celtes implantés au sud du Pô, les Boïens comme les Sénons, étaient largement ouverts aux usages culturels et aux modes de vie méditerranéens.

 

Opérations en cours (2019) : documentation et étude du mobilier de la nécropole

Les travaux effectués entre 2000 et 2010 sous la direction de Daniele Vitali et Thierry Lejars ont livré un très riche mobilier et montré l’importance de cet ensemble d’une cinquantaine de tombes pour l’étude des communautés celto-étrusques des Apennins toscan-émiliens des IVe et IIIe siècles avant notre ère. L’objectif est de compléter la documentation déjà réalisée, en particulier la couverture photographique (RTI) et 3D des principaux objets, afin de préparer l’édition scientifique de cet ensemble funéraire (Thierry Lejars, Renaud Bernadet, Benjamin Houal / AOROC).