Monuments religieux de Maurétanie occidentale (Maroc)
Les monuments religieux de Maurétanie occidentale (Maroc), de Melqart à Aulisua, de Lixus à Volubilis
Programme de coopération AOrOc – INSAP (Rabat)
La Maurétanie occidentale occupe la partie nord du Maroc actuel.
L’Itinéraire d’Antonin mentionne les stations des deux voies principales de la Maurétanie tingitane qui relient les centres urbains (Tingi, Zilil, Lixus Banasa, Thamusida, Sala, Volubilis…), les camps militaires (Ad Mercurios, Frigidae, Tabernae, Tocolosida) ou les simples lieux d’étape dont Ad Mercuri. Les temples ou des attestations de culte ont été localisés dans la plupart de ces sites.
Fig. 1 - Localisation des attestations et les lieux de culte en Maurétanie tingitane (AOrOc/ INSAP)
Co-responsables : Véronique Brouquier-Reddé, Abdelaziz El Khayari (INSAP, Rabat), Abdelfattah Ichkhakh †
Membres : Hicham Hassini et Brahim Mlilou (Conservation de Lixus), Frédéric Poupon (Grand Reims), Jacques Alexandropoulos (univ. de Toulouse), Néjat Brahmi (AOrOc), Séverine Leclercq (AOrOc), M’Hamed Alilou (Conservation de Volubilis), Cathy Lefevre, Alain Gelot
Soutien technique : Christophe Bailly
Le programme de coopération franco-marocain (AOrOc CNRS-ENS et Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine [INSAP] avec le soutien du MEAE) concerne les monuments religieux du Maroc antique.
L’acquisition d’une nouvelle documentation
L’objectif principal a été de réaliser, à partir de six campagnes de fouilles, les études archéologiques et architecturales de plusieurs temples urbains à Volubilis, Banasa et Thamusida, et du quartier dit des temples de Lixus. Cette recherche thématique consacrée à l’étude des édifices païens du Maroc antique, a été entreprise en confrontant les données anciennes, mais surtout en établissant de nouveaux relevés, en pratiquant de nouvelles fouilles et des sondages stratigraphiques. L’évolution des monuments a été retracée à partir de plans phasés et datés d’après l’étude du matériel.
Lixus, le quartier dit des temples, de l’établissement phénicien au XIVe siècle
L’étude du quartier dit des temples de Lixus est très complexe en raison du squelette architectural laissé par les précédents fouilleurs et de l’importante occupation du site à l’époque phénicienne jusqu’à la fin de l’époque médiévale. Si la plupart des sanctuaires considérés ont été retenus comme tels dans les autres sites, ce n’est pas le cas pour les monuments dits cultuels de Lixus. Un réexamen de l’ensemble du quartier et des neuf édifices a été l’occasion de revoir les identifications proposées par M. Ponsich.
Fig. 2 - L’oued Loukkos au pied du site de Lixus (AOROC/ INSAP)
Volubilis, de l’établissement maurétanien au municipe romain
À Volubilis, siteclassé sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO, nos travaux ont porté sur les édifices cultuels allant de l’époque maurétanienne (IIe s. av. J.-C.) à l’époque romaine ; l’analyse et le réexamen chrono-stratigraphiques des sanctuaires B et D permettent d’approcher de près l’architecture et l’urbanisme de l’agglomération à l’époque préromaine. Cet état de la topographie religieuse, en l’occurrence les édifices A, B (dit temple de Saturne), D et G-H, ouvre de nouvelles pistes de recherche sur la genèse et les origines de la cité. Bien que fortement remodelés à l’époque romaine, ces monuments conservent toujours des vestiges des états antérieurs. Ainsi, le capitole, construit en 217 sous Macrin, apporte une nouvelle documentation sur l’architecture religieuse volubilitaine et sur les capitoles en Afrique.
Fig. 3- Volubilis, localisation des temples (AOROC/ INSAP)
La présence d’une aire sacrée qui a livré plus de neuf cents stèles votives peintes, gravées ou sculptées et associées à des vases cinéraires remplis d’ossements animaux rappelle l’importance de l’influence de Carthage dans la vie religieuse jusque dans le nord du Maroc. L’étude des ossements animaux et des urnes cinéraires remet en cause les précédentes identifications des espèces sacrifiées ; jusqu’à présent, nous disposions d’une documentation ancienne, ne reposant sur aucune étude archéozoologique fiable.
Fig. 4- Stèle votive du sanctuaire B de Volubilis (AOROC/ INSAP)
Le paysage religieux
La réalisation de ces opérations de terrain revêt un intérêt de premier ordre puisque les résultats permettent de mieux cerner les permanences et l’évolution de l’architecture religieuse au Maroc antique, pour aboutir à une étude comparative à l’échelle de l’Afrique antique et des autres provinces de l’Occident romain. Les Phéniciens, les Maurétaniens et les Romains ont laissé leur empreinte. Les plans diachroniques des édifices traduisent leur évolution et leur diversité : autel, tophet, sanctuaire à cour, temples géminés, temples sur podium à une ou à multiples cellae (entre une et sept). Le temple du forum de Banasa livre des données essentielles sur la transformation du centre de l’établissement maurétanien en forum de la colonie augustéenne. À titre d’exemple, les temples à plusieurs cellae sur podium n’ont pas été construits d’un seul jet. Avec des plans initiaux différents, ce type architectural est adopté à la même époque — au début du IIe s. ap. J.-C. — à Banasa et à Volubilis, et sans doute à Sala, mais il n’est pas attesté à Lixus, ni ailleurs en Afrique antique. Les édifices religieux de Thamusida, d’Ad Mercuri ou de Khedis (Ad Mercurios), de Sala (capitole, temple à cinq cellae), de Zilil, complètent le paysage religieux. Tous ces monuments reflètent des plans répandus en Afrique (sanctuaires à cour), dans les provinces occidentales (temples italiques pseudo-périptères sur podium) ou uniquement en Tingitane (temples sur podium à plusieurs cellae). Les indices, à l’exception des offrandes et des inscriptions, sont souvent rares pour identifier les divinités honorées dans ces temples.
Pour en savoir plus
- Brouquier-Reddé V. (2011). « Les sanctuaires romains, de la Libye au Maroc », Les Nouvelles de l’archéologie, 123 – mars 2011, p. 10-16. [voir en ligne]
- Brouquier-Reddé V. (2004). « Les monuments religieux de Maurétanie tingitane », in : Archéologies, Vingt ans de recherches françaises dans le monde, MAE, éditions ADPF. ERC, Paris, p. 239-240.
Sur Banasa :
- Brouquier-Reddé V., El Khayari A., Ichkhakh A. (2004). L« e temple du forum de Banasa : nouvelles recherches », L’Africa romana 15, Atti del convegno di studio, Tozeur, 11-15 dicembre 2002, Rome, p. 855-868.
Sur Lixus :
- Brouquier-Reddé V., Ichkhakh A., Poupon F., El Khayari A., Hassini H. (2010). « L’occupation phénico-punique du quartier dit des temples de Lixus », in : Bartoloni G., Matthiae P., Nigro L., Romano L., Tyro, Cartagine, Lixus : Nuove acquisizioni , Atti del Convegno Internazionale in onore di Maria Giulia Amadasi Guzzo, Roma, 24-25 novembre 2008, Vicino Oriente, 4, p. 39-59. [voir en ligne]
- Brouquier-Reddé V., El Khayari A., Ichkhakh A. (2008). « Les édifices religieux de Lixus (Maurétanie tingitane) », in : Lieux de cultes : aires votives, temples, églises, mosquées, IXe Colloque international sur l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord antique et médiévale, Tripoli, 19-25 février 2005, Paris (Études d’Antiquités Africaines), p. 129-139. [voir en ligne]
- Brouquier-Reddé V., El Khayari A., Ichkhakh A. (2006), « Lixus, de l’époque phénicienne à l’époque médiévale, le quartier dit des temples », in : L’Africa romana 16, Atti del XVI convegno di studio (Rabat, 10-13 dicembre 2004), Rome, 2006, 4 vol., IV p. 2157-2174. [voir en ligne]
Sur Volubilis :
- Brouquier-Reddé V., Ichkhakh A., El Khayari A. (2018). « Architecture maurétanienne et romaine, le cas du sanctuaire D de Volubilis », in : Baratte F., Brouquier-Reddé V., Rocca E. (éd.), Du culte aux sanctuaires : l’architecture religieuse dans l’Afrique romaine et byzantine, Paris, De Boccard (Orient & Méditerranée 25), p. 53-64. [voir en ligne]
- Brouquier-Reddé V., Ichkhakh A., Leclercq S., El Khayari A. (2018). « Quelques aspects du rituel du sanctuaire B de Volubilis (Maurétanie occidentale) », in ibid., p. 135-150.
- Brouquier-Reddé V., Ichkhakh A., Poupon F., El Khayari A., (2016), « Esquisse sur la topographie religieuse de Volubilis à l’époque maurétanienne », in : El Rhaiti M., Makdoun M., Le patrimoine maure (amazigh) de Volubilis, Meknès 24-25 mars 2012, Meknès, Faculté des lettres et Sciences humaines (Actes de Colloques 45), p. 130‑161.
- El Khayari A., Brouquier-Reddé V., Ichkhakh A., Poupon F. (2015). « Les offrandes du sanctuaire B à Volubilis : approches archéozoologiques », in : Akerraz A., Ettahiri A. S., Kbiri Alaoui M. dir. 2015, Hommage à Joudia Hassar-Benslimane, Rabat, 9-10 décembre 2005, Rabat, INSAP, 2 vol., I p. 171-185.
- Brouquier-Reddé V., Brosse Fr. (2005). « Volubilis à travers les siècles », in : dossier L’Afrique romaine, Géo, 312, février 2005, p. 50-53 (dépliant).
- Brouquier-Reddé V., Ichkhakh A., El Khayari A. (1999). « Les stèles votives de Maurétanie tingitane : un complément au catalogue du temple B de Volubilis », in : Actes du 7e Colloque international sur l’histoire et l’archéologie de l’Afrique du Nord, 121e Congrès National des Sociétés Savantes (CTHS), Nice, octobre 1996, Paris, p. 343-370.
- Brouquier V., Rebuffat R. (1998). « Recherches sur le bassin du Sebou. IV - Le temple de Vénus à Volubilis », Bulletin d’Archéologie Marocaine, 18, p. 127-139.
- Brouquier-Reddé V., El Khayari A., Ichkhakh A. (1998). « Le temple B de Volubilis : nouvelles recherches », in : Mélanges offerts à Georges Souville, 2, Antiquités Africaines, 34, 65-72. [voir en ligne]
- Brouquier-Reddé V. (1994). « De Saturne à Aulisua. Quelques remarques sur le panthéon de la Maurétanie tingitane », in : L’Afrique, la Gaule, la Religion à l’époque romaine, Mélanges à la mémoire de Marcel Le Glay (Latomus), p. 154-164 et pl. XXII-XXV.