« Non Graecos minus barbaros quam Romanos puto ». Les Romains et les Grecs de leur temps, de la conquête de l’Italie du Sud à l’édit de Caracalla.
Première partie : Au temps de la République romaine.
Colloque international
3-5 octobre 2019, salle Dussane. École normale supérieure, 45, rue d’Ulm, 75005 Paris.
Organisation : Mathilde Simon (École normale supérieure, AOROC) & Sophie Lalanne (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, ANHIMA)
Description scientifique
Si la place de l’hellénisme dans le monde romain a été bien étudiée pour la période républicaine, avec pour jalons principaux la conquête des royaumes hellénistiques, l’hellénisation de Rome, l’apogée du « siècle des Scipions » ou la querelle entre atticistes et asianistes rapportée par Cicéron, les relations que les Romains entretenaient avec les Grecs de leur temps, ainsi que la manière dont ils les considéraient méritent d’être explorées plus avant. La réflexion proposée est née de la mise en cause de la thèse plutarchéenne d’un partage de la domination sur le monde méditerranéen entre, d’une part, des Grecs conscients de leur supériorité sur le plan culturel et, d’autre part, des Romains exerçant leur emprise sur les plans militaire, administratif et politique. Cette vision était-elle seulement celle d’un Grec de la période impériale cherchant à s’accommoder de la domination romaine ou était-elle partagée par les Romains et, de manière générale, par les auteurs de langue latine ? Notre première enquête nous a menées à remonter aux temps de la République et à interroger des auteurs latins comme Cicéron dont la réflexion a inspiré le titre de cet appel à communication. Par Grecs, nous entendons les individus et groupes sociaux de langue grecque qui vivaient dans les cités qu’ils avaient fondées tout autour du bassin méditerranéen et jusqu’au Proche-Orient. Quelles relations les Romains nouèrent-ils donc avec les Grecs avec lesquels ils étaient en contact ? Et tout d’abord, comment perçurent-ils les Grecs vivant en Grande Grèce, sur le sol même de l’Italie ? Lorsqu’ils commencèrent à remporter des victoires sur les rois hellénistiques, firent-ils une distinction entre hellénisme et peuple grec pour mieux assumer l’héritage de l’un sans s’encombrer de l’autre ? Les Romains faisaient-ils une différence entre Grecs de Grèce, d’Italie et d’Orient ? Quelles relations personnelles les aristocrates romains, plus tard les empereurs et les membres de la famille impériale, avaient-ils avec des Grecs ? Et quels Grecs ? Le statut social était-il le facteur prédominant dans le choix de ces relations ? Tout au long de cette histoire commune des Grecs et des Romains, différents contextes se succèdent qui appellent des traitements et des réponses différenciés. En effet, sur l’étendue de la période considérée, le sens de l’appellation « Grecs » se déplace des nombreuses communautés civiques fondées par les Grecs autour du bassin méditerranéen à l’ensemble des peuples hellénisés vivant dans les cités de l’Orient romain hellénophone ; de même, les « Romains » désignent successivement les citoyens de Rome, puis les Italiens, puis les peuples latinophones des cités et municipes d’Occident, en particulier les individus faisant carrière à Rome ou dans l’administration civile et militaire de l’Empire. De manière à prendre en compte ces évolutions, mais aussi à donner suffisamment d’ampleur aux perspectives ouvertes, nous avons fait le choix de poser les bases de notre réflexion à l’époque des conquêtes, celle des cités grecques d’Italie du Sud, puis celle des cités de Grèce et d’Orient, jusqu’au terminus ante quem que constitue l’édit de Caracalla. Mais il s’agira de garder toujours en tête qu’il ne s’agit pas d’envisager la question de l’hellénisme romain ni des représentations que les Romains se faisaient des Grecs, mais bien d’étudier le regard porté par les Romains sur les Grecs, individus ou groupes sociaux, qu’ils étaient amenés à rencontrer ou fréquenter.
Nous nous interrogerons dans un premier colloque sur les relations que les Romains entretenaient avec les Grecs de Rome, d’Italie et des provinces de l’empire, de la chute de Tarente en 272 av. J.-C. à la fin de la République. Tous les types de documents, textuels, matériels aussi bien que figurés, seront pris en compte pour répondre à ces interrogations. Le premier colloque relatif à ce programme envisagera donc ces questions pour la période républicaine. L’attitude des Romains face au monde grec pendant la conquête de l’Italie du Sud, effective dans la première moitié du IIIe siècle av. J.-C., constituera notre premier axe d’enquête. La représentation historiographique des relations entre Rome et les cités grecques d’Italie, ainsi que l’insertion de formes littéraires grecques dans les premiers témoignages latins, pourra ainsi être approfondie. La suite des relations avec ces cités pose quant à elle plusieurs problèmes spécifiques : les auteurs républicains mettent-ils en avant la romanisation du monde italiote, ou la singularité de certaines cités ? Au IIe siècle avant J. C., la conquête de la Grèce continentale, le contact politique et militaire avec l’Orient représentent une étape décisive pour Rome et conduisent à une forme d’effacement du rôle joué par les Grecs d’Italie dans le rapport entre Romains et Grecs : dans les textes et dans les représentations iconographiques, quelle figure prend ce monde grec dont la conquête ne résoud pas le rapport complexe que Rome entretient avec une culture à la fois admirée et mise à distance ? Quelles formes d’évolution connaît enfin cette relation avec les Grecs au Ier siècle avant J.-C., lorsque certains hommes politiques romains revendiquent leur attachement à des amis grecs ou que certains imperatores font le choix d’alliés hellénophones ? Les Romains semblent-ils faire une distinction entre les intellectuels, artistes, précepteurs, affranchis, composant la foule des Graeculi qu’ils fréquentent à Rome, et les ambassadeurs des cités grecques, les élites civiques des provinces d’Achaïe ou d’Asie et, plus généralement, les peuples des cités grecques dont ils ont la charge dans les provinces dont ils sont les gouverneurs ? Cette liste d’interrogations n’étant nullement limitative, on s’interrogera sur les différents aspects de la question posée.
Programme
Jeudi 3 octobre 2019
14h : accueil
14h10-14h30 : introduction par Sophie Lalanne & Mathilde Simon
Les Romains et les Grecs à l’époque de la conquête de l’Italie du Sud
Présidence : Charles Guittard
14h30-14h50 : « Le statue di Alcibiade e Pitagora sul foro romano »
Alessandra Coppola (Université de Padoue)
14h50-15h10 : « Architectures de Grande Grèce de la prise de Tarente à l’époque augustéenne : Commanditaires et réalisations »
Olivier de Cazanove (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - ArScAn) & Sylvia Estienne (ENS Paris - ANHIMA)
15h10-15h30 : discussion
15h30-16h : pause
Présidence : Christine Mauduit
16h-16h20 : « Les Grecs d’Italie chez Tite-Live »
Mathilde Simon (ENS Paris - AOROC)
16h20-16h40 : « Les interactions avec des ambassadeurs et des otages grecs durant la République : quel rôle dans l’hellénisation de Rome ? »
Ghislaine Stouder (Université de Poitiers - EA 3811 HeRMA)
16h40-17h : discussion
Vendredi 4 octobre 2019
Les Grecs de Rome
Présidence : Jean-Pierre Guilhembet
9h-9h20 : « Les orateurs romains de Caton à Caius Gracchus et la science grecque de l’éloquence : les générations de l’apprentissage »
Jean-Michel David (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - ANHIMA)
9h20-9h40 : « Les Grecs médecins à Rome »
Cecilia D’Ercole (EHESS - ANHIMA)
9h40-10h : « Les athletae grecs dans le monde romain »
Jean-Paul Thuillier (ENS Paris - AOROC)
10h-10h30 : discussion
10h30-11h : pause
Aspects politiques
Présidence : François Bérard
11h-11h20 : « Approcher les dieux grecs au temps de Scipion l’Africain »
Jean-Claude Lacam (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - ANHIMA)
11h20-11h40 : « Les Gracques croyaient-ils à leurs crises ? »
Pierre Cosme (Université de Rouen - GRHis)
11h40-12h : « L’entourage de Marc-Antoine : des Grecs « spin doctors » durant les guerres civiles ? »
Raphaëlle Laignoux (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - ANHIMA)
12h-12h30 : discussion
12h30-14h30 : déjeuner-buffet
Les Romains et les Grecs d’Orient
1) Rome et le contrôle de l’Orient
Présidence : Dominique Briquel
14h30-14h50 : « From Allies to Foes. Issaean Greeks and Rome from the IIIrd to Ist century B. C. »
Feda Milivojevic (docteur de l’Université de Zadar)
14h50-15h10 : « Les sénateurs, les gouverneurs, les publicains et les Grecs (II-Ier s. av. J.C.) »
Clara Berrendonner (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - ANHIMA)
15h10-15h30 : discussion
15h30-16h : pause
2) Rome et les populations orientales
Présidence : Stéphane Verger
16h-16h20 : « Ethnicity on the Ground : Italians, Egyptian Cults, and Relationships with Greek Communities in the Late Republic »
Lindsey Mazurek (Université de l’Oregon)
16h20-16h40 : « Énée chez Phoroneus : les Romains et leur attitude vis-à-vis de la cité argienne de Cynoscéphales à Actium »
Clémence Weber-Pallez (docteure, Ecole Française d’Athènes - HiSoMA)
16h40-17h : « Grecs ou barbares ? Les Romains face aux dynasties hellénistiques d’origine iranienne (rois du Pont, de Cappadoce, de Commagène, Arsacides) »
Charlotte Lerouge (Université Paris Nanterre - ArScAn)
17h-17h30 : discussion
Samedi 5 octobre 2019
Le monde grec de Cicéron
1) Cicéron et les Grecs de la société romaine
Présidence : Jean-Louis Ferrary
9h30-9h50 : « Le personnel grec dans la Correspondance de Cicéron »
Maria Bats (Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - ANHIMA)
9h50-10h10 : « Les Grecs dans les lettres de recommandation de Cicéron »
Robinson Baudry (Université Paris Nanterre - ArScAn)
10h10-10h30 : discussion
10h30-11h : pause
2) Poètes et philosophes
Présidence : Camille Rambourg
11h-11h20 : « Cicéron et Archias : le patronus romain et le poète grec »
Raphaëlle Cytermann (docteure de l’Université Paris 4)
11h20-11h50 : « Cicero’s nobilissimi and plebeii philosophers : Creating a classical Greek philosophy »
Claudia Beltrao (Université de Rio de Janeiro)
11h50-12h10 : discussion
12h10-14h : déjeuner
Les philosophes, pivots des relations avec les Grecs
Présidence : Jean Trinquier
14h-14h20 : « Les Epicuriens entre Rome et Mithridate : une communauté déchirée ? »
Laurent Anglade (doctorant, Université de Perpignan - CRESEM - ARCHIMEDE)
14h20-14h50 : « Grecs de savoir : l’exemple de Théophane de Mytilène et Nicolas de Damas »
Pierre Vesperini (CNRS - ANHIMA)
14h50-15h10 : discussion
15h10-15h30 : discussion générale